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Le XXème congrès du parti communiste : impacts et opportunités

Le XXème congrès du parti communiste qui s’est ouvert le dimanche 16 octobre et vient de se terminer, est l’occasion d’analyser la nouvelle Chine qui se dessine, ses ambitions, ses forces, ses faiblesses et la place de son industrie textile aujourd’hui.

L’hyperconcentration du pouvoir d’un leader devenu Président ‘’de tout’’

Xi Jinping devrait être réélu pour un troisième mandat de secrétaire général du parti, de responsable de l’armée, puis de Président de la République Populaire de Chine.

L’ancien ministre de la sécurité publique, Sun Lijun, a été condamné à la prison à perpétuité, dans le cadre de la vaste campagne anti-corruption. 

1,5 million de cadres et hauts dirigeants ont été condamnés au cours de cette campagne, véritable instrument de purge politique.

Pour asseoir son pouvoir, Xi Jinping va remettre en cause la gouvernance du parti et la structure de décisions du pouvoir chinois. Il préside ainsi l’ensemble des petits groupes créés à la tête du PCC.

Il fait même inscrire ‘’la pensée Xi Jinping’’ dans la constitution, remet en cause les règles de succession et de limitation des mandats. Xi Jinping est en passe de s’offrir une présidence à vie.

Il occupe la majeure partie du journal télévisé du soir, est omniprésent dans les journaux et ne laisse plus aucun espace à la critique.

Le renforcement du contrôle utilise les outils traditionnels (comités de quartier) mais aussi les nouvelles technologies. S’ajoute les politiques de répressions ciblées, comme celle qui frappe la communauté musulmane Ouïghour.

Une nouvelle équipe pour mettre en place la stratégie des cinq prochaines années

L’objectif est de transformer la Chine en grand pays socialiste moderne d’ici l’année du centenaire en 2049.

De nombreuses interrogations existent concernant la fermeture du pays (politique zéro-covid), la crise de l’immobilier, le ralentissement économique ou les tensions géopolitiques.

Son discours d’ouverture du congrès a mis l’accent sur les questions de sécurité. En défendant la stratégie du zéro-covid’’, puissant levier de légitimité du parti. Il en va de même pour la politique anti-corruption mise en place il y a 10 ans.

<< Il conviendra de renforcer encore la protection de la sécurité nationale, la sécurisation des approvisionnements alimentaires et énergétiques, la lutte contre ‘’les catastrophes’’ et la ‘’protection’’ des données personnelles.>>

Au niveau extérieur, après avoir salué la reprise en main de Hong Kong, Xi Jinping a réitéré sa volonté de ramener Taïwan sous l’autorité chinoise, sans exclure le recours à la force.

Sur le plan économique, le PIB doit doubler d’ici 2035, ce qui implique une croissance de 4% par an pour les années à venir. Présentée comme la priorité absolue du parti, la redistribution des revenus et la ‘’prospérité commune’’ étant la seconde étape.

En 2020, la Chine a atteint son double objectif de doublement du PIB sur la décennie 2010 et d’éradication de la grande pauvreté. Pour 2035, la Chine se rêve en première puissance mondiale, ce malgré les freins conjoncturels (croissance en berne, crise de l’immobilier…) et structurels (vieillissement de la population, inégalités, endettement).

La demande intérieure et l’autonomie technologique seront les moteurs de la reprise, en concentrant les efforts sur l’éducation et les sciences, dans une ‘’approche nationale globale’’.

L’heure est au découplage vis-à-vis des technologies américaines.

Pourtant aujourd’hui, l’environnement économique est difficile et le modèle de croissance basé sur l’investissement est en panne. Le secteur immobilier est en grande difficulté, alors qu’il compte pour 30 % du PIB. Depuis la déroute d’Evergrande (300 Milliards d’euros de dettes), nombre de promoteurs ont fait faillite

Concernant le moteur de l’exportation, le risque de récession auquel sont confrontés nombre de partenaires commerciaux va impacter la demande pour le made in China.

Pour 2022, l’objectif de croissance est de 5,5%. Le FMI table sur une croissance de 3,2% et 4,4% en 2023. Le taux de chômage urbain, notamment chez les jeunes est préoccupant.
Les freins sont devenus également conjoncturels.

La politique énergétique est également schizophrénique. Aucun pays n’investit autant dans l’économie propre (énergies renouvelables, voitures électriques…), ni ne construit autant de centrales électriques au charbon.

Depuis 2000, ses émissions de gaz à effet de serre ont triplé et le pays est devenu le premier pollueur de la planète (25 % des rejets de CO2 du globe). Dans ce domaine aussi, 2020 est une année charnière où la Chine se dote d’une ambition long terme de décarbonation (pic d’émission en 2030, neutralité en 2060).

Ces ambitions viennent cependant se confronter avec l’objectif de sécurité énergétique comme priorité absolue à court terme, réponse aux pénuries de l’été.

Dans ce contexte, avec un contrôle sur l’économie qui sera accru pendant le 3ème mandat de Xi Jiping, le recours à des politiques monétaires et budgétaires expansionnistes ne fait aucun doute.

 Les entreprises d’Etat, pilier de la stratégie économique…

Fils d’un vice-président réformateur, beaucoup s’attendaient à voir en Xi Jinping un dirigeant progressiste. Dix ans après son arrivée au pouvoir, l’état n’a pas réduit son intervention dans l’économie, au contraire.

La croissance chinoise a permis l’émergence grandissante du secteur privé, pourtant les entreprises d’Etat ont été replacées au centre de la politique économique et concentrent 12 % de l’emploi et 25/30 % du PIB.

Outre la mise en œuvre de la politique industrielle, elles jouent un rôle de stabilisateur social. Quand la politique du zéro-covid pèse sur l’économie, les State Owned Enterprises (SOE) captent l’essentiel des crédits bancaires et des appels d’offres publics d’infrastructures. 

Elles semblent devoir être en première ligne demain en termes d’autonomie technologique ou de programme climatique. Elles ont vocation à devenir des leaders mondiaux.

Régulièrement, les entreprises privées se voient rappeler leur devoir de loyauté à l’égard du parti. Pour avoir trop longtemps prospéré à l’abri de toute règlementation, le secteur de la tech a été repris en main l’an dernier.

Dans les SOE, les cellules du parti sont omniprésentes et leurs pouvoirs renforcés, notamment désormais en validant les orientations stratégiques.

Les entreprises étrangères non plus n’y échappent pas. L’ ‘’économie socialiste de marché’’ reste un système hybride de planification et de zones de libre-échange. 

… avec des résultats réels.

La Chine est en passe de devenir une grande puissance automobile grâce à l’électrique, après avoir raté sa percée dans les moteurs thermiques. Cette ambition est née dans les années 90 et entre 2000 et 2010, la production automobile est passée de 2 à 18 millions de véhicules. Grâce aux partenariats (Volkswagen, General Motors…) le pays est devenu le premier marché mondial.

Mais dans ces conditions, le plus gros constructeur local, SAIC, ne produit que 2,9 millions de véhicules ( sur un total de 5,5 millions) sous ses marques propres, ce qui en fait le 9ème constructeur mondial.

Dans la course à la voiture électrique, la Chine dispose d’un atout concurrentiel avec les batteries. L’objectif 2025 de 20 % de voitures électriques ou hybrides sera d’ailleurs atteint cette année.

Depuis 2018, pour stimuler la concurrence, les constructeurs de véhicules électriques peuvent s’implanter sans partenariat. Le groupe BYD est aujourd’hui numéro un mondial en unités construites (641 000 véhicules), devant Tesla.

D’autres secteurs ont vu la Chine rattraper l’Occident :

  • Le pays disposera bientôt d’un premier avion de ligne (Comac),
  • La Chine est désormais le premier promoteur de réacteurs nucléaires,
  • Les Cybermarchands (Alibaba, Tencent) rivalisent avec Amazon,
  • Le pays est également le premier rival de la Nasa

Le pays doit cependant faire face à des défis. Les semi-conducteurs restent un point de faiblesse et l’objectif d’autosuffisance fixé pour 2025 dans ce domaine ne sera pas atteint, le programme de rattrapage étant bloqué par les Etats Unis (embargo mis en place par l’administration Trump et poursuivi par Joe Biden).

La Chine produisait en 2015 13 % des puces utilisées sur son territoire. Dix ans plus tard le pays n’en fabrique que 17 % et devrait à peine dépasser les 21% en 2026, loin de l’objectif de 70 %.

Par ailleurs, les Géants de la Tech chinoise sont dans l’incertitude vis-à-vis du pouvoir et du contrôle que celui-ci entend leur imposer. L’année 2020 aura été celle de la reprise en main avec la suspension de l’entrée en bourse d’Ant Group (bras financier d’Alibaba, qui espérait lever 34 milliards de dollars pour son développement) et une amende de 2,3 millards de dollars infligée à Alibaba pour abus de position dominante.

Tencent et Netease, les deux géants du jeu vidéo ont été bloqués dans la mise sur le marché de nouveaux produits. 

L’objectif du parti est clairement de donner la priorité à des investissements stratégiques comme l’IA ou le quantique.

L’industrie textile dans cet environnement

Deux chiffres illustrent les défis de l’industrie textile locale :

  • La consommation des ménages : 5610,7 milliards de dollars en 2020 (336 milliards en 1995)
  • L’émergence d’une classe moyenne : en 2000, 99 % de la population disposait d’un revenu annuel inférieur à 16000 dollars. En 2020, 57 % de la population dépasse ce seuil.

Le marché intérieur constitue désormais un socle puissant. Comme le confirme Lin Yun Feng, Vice-président de la Chambre Chinoise de commerce et d’industrie textile, la demande intérieure croît plus vite que les exportations.

Les entreprises textiles se ‘’détournent’’ donc de l’exportation, d’autant que face à la concurrence croissante à l’international, elles sont poussées à améliorer leur compétitivité (productivité, qualité).

La Chine a également laissé l’entrée de gamme à d’autres acteurs de l’Asie du Sud-est. Dans un marché qui monte en gamme, les entreprises textiles chinoises qui ne se seront pas adaptées aux nouvelles conditions de marché disparaîtront.

Pour les entreprises locales, d’autres défis sont à relever :

  • Atteindre les objectifs officiels en matière de recyclage des déchets textiles, soit 5,5 millions de tonnes de fibres textiles recyclées (25 % de l’ensemble de ses déchets textiles)
  • Améliorer le réseau de recyclage, mais aussi développer les systèmes de production textiles écologiques et upcycler les déchets vers des fils de haute qualité.
  • Trouver une parade à la loi américaine UFLPA (Uyghour Forced Labor Prevention Act) qui menace des débouchés à l’exportation pour les produits suspectés de travail forcé
  • Gagner en attractivité alors que les jeunes générations se tournent vers les métiers de services
  • Investir et innover pour accompagner les secteurs d’activités (automobile, aéronautique…) dans lesquels le pays ambitionne de devenir leader

La croissance du marché domestique s’accompagne de contraintes renforcées, d’une ouverture nécessaire pour favoriser l’innovation. Elle constitue une opportunité pour les industries textiles du reste du monde et confronte les entreprises locales à une concurrence qui ne se fonde plus uniquement sur des prix bas. 

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